L'hypersensibilite : qUAND TROP DEVIENT UNE FORCE
Vous est-il déjà arrivé de vous sentir « trop » ?
Trop ému(e), trop vite submergé(e) par le bruit, trop attentif(ve) aux nuances de l’humeur des autres ? Si oui, vous n’êtes pas seul(e).
Ce que l’on appelle souvent l’hypersensibilité est en réalité un trait de caractère bien spécifique, exploré notamment par la psychologue américaine Elaine Aron sous le nom de Sensibilité du Traitement Sensoriel (STS), et étudié en France par des auteurs comme Saverio Tomasella et bien d’autres.
Aujourd’hui, je vais commencer une série d’articles sur cette hypersensibilité que je retrouve dans beaucoup de mes patients mais surtout …. en moi.
Laissez moi vous expliquer ce que signifie réellement ce fonctionnement, non pas comme un défaut, mais comme une manière unique et profonde de percevoir le monde. Croyez moi c’est une véritable richesse !!!
L'Hypersensibilité : Un Trait, Pas une Maladie
Contrairement aux idées reçues, l’hypersensibilité n’est pas un trouble ou une faiblesse psychologique. C’est, selon Elaine Aron, une caractéristique innée du de la personnalité qui concerne environ 15 à 20 % de la population.
Pour le dire simplement : notre système nerveux fonctionne comme une antenne beaucoup plus sensible, qui capte plus de signaux et les traite plus profondément que la moyenne.
Les Quatre Piliers du Trait (Le modèle D.O.E.S.)
Elaine Aron a identifié quatre caractéristiques fondamentales (résumées par l’acronyme anglais D.O.E.S.) qui définissent l’expérience d’une personne hautement sensible :
D comme Profondeur de Traitement (Depth of Processing) :
Nous avons tendance à analyser et à réfléchir de manière poussée sur tout. Une simple information est traitée en profondeur, connectée à d’anciennes expériences, et analysée sous de multiples angles. C’est ce qui nous rend si créatifs et intuitifs, mais aussi si lents à prendre des décisions ou si sujets à la rumination. Vous savez le petit vélo qui tourne dans la tête ou j’ai mille idée à la minute
O comme Être facilement Surchargé (Over-arousal) :
C’est la conséquence directe de la profondeur de traitement. Notre cerveau traite tant d’informations que nous atteignons plus rapidement le seuil de saturation. Un environnement trop bruyant, une journée trop chargée, ou un flot continu de stimuli peut rapidement nous épuiser et provoquer un sentiment de surcharge. Parfois cela entraine un ressenti de proscranisation mais non c’est juste qu’il faut décanter les informations pour trouver la solution la plus juste.
E comme Réactivité Émotionnelle et Empathie (Emotional Reactivity and Empathy) :
Nos émotions sont vécues avec une intensité plus forte, qu’elles soient positives (joie, émerveillement) ou négatives (chagrin, colère). Cette intensité va de pair avec une hyper-empathie. Nous captons et ressentons fortement les émotions des autres, nous transformant parfois en de véritables « éponges émotionnelles » (un terme souvent utilisé par Saverio Tomasella).
S comme Sensibilité aux Subtilités (Sensing the Subtle) :
Nous remarquons des détails, des nuances et des changements dans l’environnement que la plupart des gens ignorent. Cela peut concerner une légère variation dans la lumière, un son lointain, ou une expression faciale infime chez un interlocuteur.
Le Regard de Tomasella : L'Hypersensibilité Vécue
Le psychanalyste Saverio Tomasella met souvent l’accent sur l’aspect plus existentiel et relationnel de l’hypersensibilité. Il insiste sur le fait que la personne hypersensible vit un décalage entre son monde intérieur riche et l’environnement qui lui semble souvent indifférent ou brutal.
Il souligne que l’hypersensible a un besoin vital de sincérité et d’authenticité dans ses relations.
- Le Mythe de la Vulnérabilité : Tomasella aide à déconstruire l’idée que cette sensibilité est une fragilité. Il encourage à accepter ce fonctionnement comme une richesse intérieure, une capacité à vivre et à ressentir pleinement.
- L’Intuition et la Créativité : Il met en avant la forte intuition et la créativité développée des hypersensibles, fruits de leur capacité à capter et à relier des informations subtiles.
- Donner du sens est primordiale pour vivre. Ne jamais dire à un hypersensible : « C’est comme cela ! arrête de réfléchir » cela revient à lui demander de ne plus exister.
Il est rejoint en cela par Elaine Aron qui souligne que les hypersensibles ont toujours existé c’était parfois les conseillers du roi ou les artistes autrefois.
L'Hypersensibilité : une question de genre ?
On a tendance à croire que les femmes sont plus sensibles que les hommes, pourtant aucune preuve scientifique ou génétique ne soutient cette idée. On pourrait plutôt parler d’une construction sociale liée à l’interdiction sociale de la sensibilité des hommes par l’imposition d’une « virilité masculine ».
Comment apprivoiser votre super-pouvoir ?
D’abord en acceptant de faire un grand pas en avant : reconnaitre que sous ses phénomènes difficiles à supporter au quotidien se cache un véritable trésor : VOUS.
Si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, rappelez-vous que ce fonctionnement est une stratégie de survie (une théorie évolutive propose qu’il y ait toujours eu des individus plus sensibles, nécessaires pour détecter les menaces ou les opportunités).
L’enjeu n’est pas de changer, mais de gérer le flux d’informations :
- Reconnaissez votre seuil de saturation : Apprenez à identifier les signaux d’alerte (irritabilité, fatigue, besoin de s’isoler).
- Prévoyez des « bulles » de calme : Accordez-vous régulièrement des moments de retrait sensoriel pour laisser votre système nerveux se réinitialiser.
- Apprenez à « déséponger » : Utilisez des techniques de pleine conscience ou des rituels pour vous libérer des émotions d’autrui que vous avez absorbées.
Être hypersensible est une réalité qui demande une certaine hygiène de vie, mais qui vous donne une perspective du monde d’une incroyable profondeur et beauté. C’est une richesse, apprenez à la protéger et à en tirer parti !
Dans le prochain article, je vous proposerai de savoir comment le cerveau des sensibles fonctionne.